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Publiée tous les deux mois par CNRS éditions, la revue Documentation photographique confie à un spécialiste le soin de composer un numéro consacré à une question géographique ou historique, à travers un dossier de seize pages sur l’état de la recherche, suivi de vingt-trois études de cas ou d’exemples concrets illustrés par des documents (illustrations, infographies, BD, clichés…).
Pour le présent volume, intitulé « Histoire et mémoire(s) », c’est Sébastien Ledoux, historien et maître de conférences à l’université de Picardie Jules-Verne, qui fait le point sur l’évolution de notre rapport au passé, comme le montrent notamment la multiplication depuis trente ans des journées de commémoration et des lieux de mémoire, ainsi que les déboulonnages de statues ou autres graffitis sur les monuments.
La mémoire est, selon lui, cet intermédiaire défectueux entre le passé et le présent, qui « doit être sélective pour être significative », et qui est donc forcément individuelle. Pour Sébastien Ledoux, la mémoire est avant tout une construction sociale, souvent ancrée dans un récit puissant créant une continuité entre le passé et l’avenir. En témoignent, par exemple, les mythes fondateurs des Etats-nations surgissant au XIXe siècle, qui servent aussi aujourd’hui à justifier des projets politiques – ainsi, la guerre en Ukraine que Vladimir Poutine mène depuis février 2022 au nom d’un grand empire russe qu’il veut reconstituer avec force.
L’historien estime cependant que ces récits nationalistes constituent des réapparitions relativement récentes. La tendance après la deuxième guerre mondiale était au contraire à une inflexion des mémoires nationales, qui ne se centraient plus sur des héros tels Charlemagne et Jeanne d’Arc, mais sur les victimes des violences, des guerres ou des dictatures.
Externalisées dans des mémoriaux comme le Mémorial aux juifs assassinés d’Europe, à Berlin, consacré aux victimes du génocide nazi, ou dans des musées français de la Résistance et de la déportation, ces mémoires aspirent à l’éternité, au sens où les futures générations ne devraient jamais oublier ce qui s’est passé. Un appel résumé dans des formulations comme « Nie wieder » ou « Nunca mas » (« plus jamais »).
En France, cette idée se retrouve dans le « devoir de mémoire », qui se déploie sur le plan éducatif, dont « Histoire et mémoire(s) » apporte une contribution qui mérite d’être lue non seulement par les historiens et les professeurs, mais aussi par le grand public.
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